
Je m’en fous de la rentrée littéraire. Un livre n’est intéressant qu’un demi-siècle plus tard, quand on se rend compte qu’il raconte vraiment quelque chose d’un monde qui n’existait pas tout à fait encore. Les grandes œuvres ont ceci de visionnaires que seul le temps peut juger. La rentrée littéraire, c’est la promesse inverse. Celle d’un amoncellement de banalités plus ou moins sincères qui cherchent avant tout à se vendre et noient tout ce qui pourrait faire sens au milieu. Les grands livres n’ont rien à prouver. Ils n’ont même plus à nourrir leur auteur. Ils mènent leur propre vie et ne meurent jamais.
Papier ou numérique, ne vous y trompez pas… Même combat. La plupart des bouquins disparaîtront des étales dans deux mois. L’objet solide n’est qu’une illusion que garde les auteurs dans leur bibliothèque, mais que les éditeurs n’hésiteront pas à passer au pilon jusqu’au dernier quand l’investissement ne leur a pas donné satisfaction ; ce qui arrive le plus souvent. À croire que la plupart des bouquins sont conçus comme des serres-livres pour une poignée d’autres.
Aux Plus belles plumes, nous avons choisi le format numérique, convaincus, en premier lieu, que celui-ci donnerait plus de liberté à nos auteurs : aucune contrainte de longueur en particulier quand sur le papier chaque signe est compté. Nous ne nous sommes pas vraiment posés la question de la mémoire, car il faut d’abord arriver à prendre une place dans le présent, la maintenir et durer dans un univers médiatique en voie d’extinction. Alors quelle joie, quel honneur, d’apprendre que dès cette année la Bibliothèque Nationale Suisse collectera notre travail pour le conserver sur la durée et ce, dès cette année, dans sa collection d’Archives Web Suisse… Car finalement, c’est la seule victoire qui compte en littérature : ne pas se perdre dans l’oubli ! Merci à la BNS. Merci à mes collaborateurs, dont la passion et le sérieux ont su la séduire. Et merci à vous, lecteurs et abonnés, pour votre soutien. Plus vous serez nombreux, plus vastes seront les traces de notre époque que nous pourrons offrir aux générations futures.