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Les Plus Belles Plumes

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L'artistarque

par Jean-François Fournier, écrivain-journaliste

Moi j’suis de la race écrite ! : l’illisible et l’indicible

Publié le 3 juillet 2020

Cette rubrique des Plus Belles Plumes ne s’appelle pas « L’aristarque » pour rien. Elle fait référence à Aristarque de Samothrace (217-144 avant J.-C.), grammairien et philologue qui fut le premier exégète enragé de l’œuvre d’Homère. Une fois n’est pas coutume, tout est dit dans sa notice Wikipédia : « Disciple d’Aristophane de Byzance, il fonde à Alexandrie une école critique (école des Aristarchéens) et dirige la célèbre bibliothèque de la ville. En collaboration avec son maître, il constitue le Canon alexandrin, liste des auteurs grecs jugés les plus remarquables pour la pureté de leur langue. La liste est toujours employée de nos jours dans l’enseignement du grec, à laquelle on a depuis ajouté les orateurs attiques. Sur la fin de sa vie, il part pour Chypre où, selon la tradition, il se laisse mourir de faim, étant atteint d’un mal incurable. » Un aristarque, dans notre belle langue française, est donc un critique minutieux et sévère.

« Massacrer un livre m’est donc particulièrement difficile, même si, dans le cas présent, cela me paraît indispensable… »

Voilà qui est clair, mais avant d’exercer, je l’espère, ce talent critique, j’ajoute un court préambule : j’écris depuis quarante ans, une vingtaine d’ouvrages au palmarès, cela m’a valu des prix et un peu de notoriété, mais surtout, je connais intimement la peine et le labeur de l’écrivain. Massacrer un livre m’est donc particulièrement difficile, même si, dans le cas présent, cela me paraît indispensable…

L’objet du crime ? Une nouveauté Flammarion, premier roman d’un jeune auteur de trente-trois ans, Yohann Elmaleh. La publicité de l’éditeur promettait le parcours d’un héros des banlieues qui, tiraillé entre les réalités des quartiers et ses études sorbonnardes, découvre l’ivresse absolue, celle des mots. Je feuillette, lis quelques pages et me dit : « Tiens, ils misent sur un jeune très concerné et sûrement talentueux pour faire connaître les évolutions de la langue dans les zones de non-culture ! » Pari marketing, pourquoi pas audacieux, alors allons-y : déboursons les 19 euros du bouquin en question pour Moi j’suis de la race écrite !

Je vous épargne les lourdeurs grammaticales, les approximations à foison et le style illisible. On est ici en plein « Apostrofes », le sketch culte des Inconnus dans lequel un improbable petit-fils de Bernard Pivot reçoit un académicien branché sur la réforme orthographique du verlan ( https://www.youtube.com/watch?v=GZrr4zXExV4 )…

« Il y a toujours une volonté de pouvoir dangereuse dans les tentatives d’imposer une novlangue ou ” un prêt-à-parler “.»

Même fou rire, même apocalypse plausible. Par hygiène mentale, je me suis demandé si je n’étais pas tout simplement un vieux con accro au classicisme français et insensible aux réalités des tentatives de modernisme branché, avant de repenser à 1984 de George Orwell et de me mettre en colère. Parce que, n’en déplaise aux éditeurs prêts à publier n’importe quoi d’un peu jeune et rafraîchissant, il y a toujours une volonté de pouvoir dangereuse dans les tentatives d’imposer une novlangue ou « un prêt-à-parler », comme l’exprime si bien Jean-Jacques Rosat, du Collège de France, un maître du monde orwellien.

Dans 1984, on appauvrit le langage courant pour vider les mots de toutes leurs complexités, pire, de toutes leurs idées. Et on encourage le martelage de nouveaux concepts comme « crimethink » ou « oldthink », à savoir pensée criminelle ou vieille pensée. Rosat montre très bien comment les systèmes – stalinien, nazi ou même britannique au sortir de la guerre – dépassent la banale censure des mots exercée par les faibles pour lui préférer l’extraction pure et simple des pensées de la tête du peuple, ce qui est un programme politique – reconnaissons-le – bien plus ambitieux.

Je m’égare ? Que nenni ? Le vocabulaire dont Flammarion et Elmaleh font la promotion est un vocabulaire langagier, automatique, mécanique, un jargon qui se déploie avec des ombres potentiellement totalitaires, des éléments parlés qui deviennent écrits, bref, une construction qui, en fin de compte, empêche le lecteur de penser et prétend penser à votre place. Il en va ainsi non seulement de la novlangue du génial Orwell, mais de toutes les tentatives – bien ou mal intentionnées, là n’est pas la question – de réorganiser la langue française.

Achetez Moi j’suis de la race écrite ! Faites-vous votre idée ! Avant que tous les romans ressemblent à ça…

Information sur le livre :
Moi j’suis de la race écrite !, Yohann Elmaleh, Flammarion,
240 pages, ISBN 9782081500600

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